Existe-t-il déjà des garanties d'assurances contre les pandémies?

Existe-t-il déjà des garanties d’assurances contre les pandémies?

Pouvait-on prévoir un jour faire face à de telles conséquences économiques ? L’épidémie du Covid-19 a mis la France à l’arrêt et entraîné dans son sillage des pertes d’exploitation colossales de l’ordre de 60 milliards d’euros, selon la Fédération française de l’Assurance. Une somme que les assureurs ne veulent pas prendre en charge, soutenant qu’un tel montant mettrait le secteur «par terre». Le risque pandémique «est par nature inassurable», martèlent aussi en boucle les représentants du secteur contre la fronde des organisations patronales. En outre, à l’instar de nombreux pays dans le monde, les pertes qui ne sont pas consécutives à un dommage matériel direct sur un bien ne sont pas couvertes.

Bien que les arguments avancés par les assureurs soient légitimes et parfaitement légaux, les contrats qui contiennent des «garanties pandémies», néanmoins, existent. Ces produits assurantiels couvrent le type de pandémie que nous traversons – bien que son caractère et les dommages inhérents soient exceptionnels – comme l’a d’ailleurs expliqué le PDG d’Axa, Thomas Buberl, dans une interview accordée au JDD. Le dirigeant soutient «qu’une entreprise peut également être assurée contre le risque de perte d’exploitation lié à une épidémie, même si c’est assez rare qu’une entreprise prenne ce type d’assurance».

«On a exhumé des contrats qui prennent bien en compte la perte d’activité en cas de pandémie mais qui ne sont pas proposés», dénonçait début avril dans les colonnes du Figaro le chef Stéphane Jego. «Il y a un vrai manque de visibilité sur ces couvertures et une absence de communication», insiste le restaurateur, qui «aurait souscrit» à ce type de contrat s’il avait su.

«Ce n’est pas un manque de communication», défend Me Gros, avocat spécialisé en assurances au cabinet Hogan Lovells. «Oui, de tels contrats spécifiques existent mais ils sont très rares, ce sont des cas particuliers. S’ils sont peu proposés c’est parce que le besoin n’était pas perçu jusqu’alors, ce n’était pas un produit demandé». Il faut distinguer deux types de contrats, les contrats «d’assurance pandémie», contrat sur-mesure très rarement souscrits (par des grands groupes industriels par exemple), et les contrats plus fréquemment souscrits : les contrats d’assurance qui couvrent les pertes d’exploitation consécutives à un dommage aux biens et un «risque sanitaire grave».

«Ces derniers ne visent pas à couvrir de manière générale le risque auquel on est confronté actuellement, la couverture pour un risque sanitaire ne s’étendant pas nécessairement à une pandémie au sens large», poursuit Me Gros. Pour l’avocat, c’est de cette garantie que pourrait partir la confusion, les assurés pensant être couverts contre le risque pandémique alors qu’ils ne le sont pas en réalité. «Des restaurateurs par exemple ont pu souscrire des contrats qui couvrent des pertes d’exploitation lorsqu’une fermeture est ordonnée à titre individuel par les autorités en raison d’un « risque sanitaire », mais cela vise le plus souvent le cas d’une entreprise qui présente un risque pour ses employés et ses clients». Exemple: la présence de salmonelle (bactérie qui engendre une intoxication alimentaire sérieuse, Ndlr).

En clair, lorsque le «risque sanitaire», menace de s’étendre de l’intérieur d’une entreprise vers l’extérieur. «Des assurés ont pu croire qu’ils étaient couverts pour le risque de pandémie générale. Mais de toute façon le montant des primes collectées est de l’ordre d’une centaine de millions d’euros pour ces contrats de garantie pertes exploitation et ne permettrait pas de couvrir le risque systémique».

Le patron de l’Ami Jean, à Paris, Stéphane Jégo, révolté par la crise économique qui touche tous les restaurants et «s’annonce fatale», a mis en ligne une pétition signée à ce jour par plus de 133.000 personnes, et rédigée à l’intention du ministre de l’Économie. Il milite pour «pousser le gouvernement à décréter l’état de catastrophe naturelle sanitaire», et ainsi ouvrir la voie à l’indemnisation des pertes d’exploitation. La garantie de catastrophe naturelle étant obligatoire dans chaque contrat d’assurance d’un bien et calibré entre 6% et 12% du montant de la prime totale par voie d’arrêté.

Partenariat public – privé

Le législateur a pris le problème à bras-le-corps une semaine après le confinement en incluant, dans la proposition de loi d’urgence, une piste essentielle pour amortir le choc économique en cas de prochaine pandémie. Ainsi, les parlementaires ont proposé le 24 mars de «construire un régime d’assurance des risques liés à des menaces sanitaires graves, sur le modèle de l’assurance des risques de catastrophes naturelles, pour assurer le monde économique de demain. Il serait financé par une cotisation additionnelle, sur le modèle de ce qui est prévu pour l’assurance des risques de catastrophes naturelles».

Les travaux ont déjà commencé à Bercy, en lien avec les assureurs. «En six mois, nous devons pouvoir développer ce type de sinistralité pour compléter les contrats d’assurance, c’est important», a confirmé Bruno Le Maire vendredi dernier lors de l’examen du projet de loi des Finances rectificatif. «C’est un copié-collé de la loi relative à l’indemnisation des victimes de catastrophe naturelle», indique un spécialiste proche du dossier.

«Cette proposition est décrite comme un partenariat privé et public, avec les assureurs qui indemniseraient une première tranche et l’État qui prendrait le relais», explique Me Gros. «La seule “assurance pandémie” ne suffirait pas. À supposer que le montant des primes collectées soit similaire à celui des catastrophes naturelles, les réserves financières constituées par les assureurs sur 10 ans s’élèveraient à peu près à 15 milliards d’euros, soit un quart des besoins actuels estimés à environ 60 milliards». Si l’on prend le temps écoulé depuis la dernière crise sanitaire de cette ampleur, la grippe espagnole en 1918, cotiser pendant 102 ans permettrait en revanche de constituer des réserves de l’ordre de «153 milliards d’euros».

Source Le Figaro

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