«Le numérique ne remplacera pas l’humain»

«Le numérique ne remplacera pas l’humain»

LE FIGARO. – Quel est l’impact de la révolution numérique sur l’organisation de votre mutuelle?

Christophe HARRIGAN. – L’évolution amenée par le numérique apporte une transformation qui impacte trois écosystèmes: la Mutuelle générale vis-à-vis de ses assurés, vis-à-vis d’elle-même et vis-à-vis du monde extérieur. Dans un processus aussi basique qu’est le recrutement, par exemple, le numérique permet à nos candidats de télécharger leur profil LinkedIn sur notre site Internet. Nos collaborateurs n’ont plus aucune saisie fastidieuse à effectuer et se concentrent sur la vraie valeur ajoutée des recruteurs, c’est-à-dire l’étude des profils reçus. Autre exemple, pour le courrier – nous recevons chaque jour 10.000 lettres de nos assurés -, nous avons développé un programme qui permet, grâce à l’intelligence artificielle, de les lire et de les traiter en les adressant au service compétent. Les gains de temps sont réels.

Ces progrès menacent-ils l’emploi ?

Effectivement, avec le numérique, certains emplois vont disparaître. J’estime que notre responsabilité est d’accepter cette révolution, de l’accompagner, mais aussi de créer les emplois de demain. Et à la Mutuelle générale, nous le faisons, c’est même une priorité à mes yeux. Pour cela, nous avons ouvert plusieurs universités et programmes de formation, mais aussi des écoles pour la vente et la gestion. Ma conviction est que le numérique ne remplacera pas l’humain sur sa valeur ajoutée. C’est en associant le numérique et l’humain que nous aurons le plein potentiel de cette révolution numérique.

Le numérique permet de croiser énormément d’informations et d’identifier aussi des comportements frauduleux qui se font au détriment de la solidarité.

Christophe Harrigan

On parle beaucoup de raison d’être des entreprises. Est-ce que la raison d’être de la Mutuelle générale c’est la création d’emplois ?

Notre mutuelle a une raison d’être qui est la solidarité entre ses adhérents. La mutualisation des risques permet une solidarité très forte entre les jeunes générations et les générations plus âgées, ce qui permet à tout un chacun une protection sociale. La solidarité n’est pas un slogan, mais bien une réalité concrète: l’année dernière nous avons réalisé 1,2 milliard de chiffre d’affaires et dégagé 5 millions de bénéfices, après avoir engagé 25 millions d’euros de dépenses à caractère social.

Qu’est-ce que le numérique a changé en quelques années vis-à-vis de vos assurés ?

La contraction de l’espace-temps et la qualité de service. Pouvoir accéder à l’information sur ses remboursements de soins en temps réel, c’est une véritable valeur ajoutée pour l’assuré aujourd’hui. Il lui suffit de regarder son dossier sur notre application pour suivre une demande. La révolution qui est en train d’être menée permet aussi d’accéder à une information ciblée le plus rapidement possible, comme le fameux «reste à charge», par exemple. Aujourd’hui, c’est une vraie difficulté pour les Français dans l’accès aux soins. Auparavant, il fallait envoyer un courrier puis attendre une dizaine de jours afin d’avoir ce résultat. Aujourd’hui, il suffit d’un smartphone et de quelques secondes. Vous prenez en photo le devis, vous le téléchargez dans votre espace adhérent et, avec la puissance de calcul, on récupère le document, on l’analyse, on le compare avec les garanties de l’assuré et on lui indique tout de suite son reste à charge. Et ce n’est pas tout. Le numérique permet de croiser énormément d’informations et d’identifier aussi des comportements frauduleux qui se font au détriment de la solidarité. La lutte contre la fraude via le digital et grâce à l’intelligence artificielle nous permet de faire des économies sur les prestations versées et, in fine, sur les cotisations que l’on demande à nos assurés.

Le combat de demain est là : le numérique va faire naître des acteurs qui ne respecteront pas notre réglementation sans que le client le sache.

Christophe Harrigan

Concernant les données, qui sont au cœur du métier d’assureur, dans quelle mesure l’avenir de leur collecte menace-t-il la mutualisation des risques?

Dans un premier temps, il faut savoir que toute entreprise en France doit respecter la réglementation RGPD européenne sur la collecte des données. Il faut donc les trier et les anonymiser. Dans un deuxième temps, ces données offrent un champ incroyable: on peut avoir une photo statistique du portefeuille de nos assurés et ainsi être tenté de faire des offres de niches segmentées. Mais attention, ce n’est pas sans risque. Lorsque vous faites des petites primes sur des petites populations, si vous avez un décès qu’il vous faut indemniser, ce coût considérable menace l’équilibre financier. Mieux vaut une approche large et mutualiser les risques.

Pourquoi les Gafa sont-ils menaçants?

Je ne crois pas à une disruption par des start-up sur le sujet. En revanche, je redoute les Gafa. Ils ont une force de frappe financière colossale et une capacité de traitement de l’information que nous n’avons pas. J’ai aussi appris qu’ils commencent à recruter des spécialistes de nos métiers, ce qui me laisse penser qu’ils s’intéressent à l’assurance. Le danger est dans la réglementation. Avec le numérique, les frontières n’existent pas. La réglementation du pays de l’assuré ne va pas primer celle du pays d’origine de l’assurance. Rien n’empêche un Français de souscrire à une assurance basée en Nouvelle-Zélande par exemple. Et le combat de demain est là: le numérique va faire naître des acteurs qui ne respecteront pas notre réglementation sans que le client le sache. C’est déloyal pour des entreprises comme les nôtres qui opèrent avec des obligations importantes, et c’est dangereux pour les assurés.

Big Bang Santé, Maison de la chimie à Paris, le 9 octobre 2019, de 9h à 17h30

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Source Le Figaro

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