Dans une lettre ouverte, plus de 500 acteurs de la finance réclament la possibilité de transférer l’assurance vie d’un gestionnaire vers un autre, dans le cadre de la loi PACTE.
C’est un vieux serpent de mer qui refait surface. Alors que la loi PACTE repart à l’Assemblée nationale en mars, plus de de 500 acteurs de la finance publient une lettre ouverte, ce jeudi, pour réclamer la portabilité des contrats d’assurance vie. Cette possibilité a été approuvée par le Sénat, durant les dernières discussions, mais l’amendement pourrait disparaitre d’ici l’adoption définitive de la loi.
Le projet de loi « n’est pas à la hauteur de son ambition » tancent les auteurs du texte, principalement des petits acteurs du secteur. « Le “placement préféré des Français” représente 1 700 milliards d’euros alors que tous les dispositifs d’épargne retraite combinés peinent à dépasser 200 milliards d’euros » avancent-ils.
« La portabilité fait peser des risques excessifs sur l’économie »
Des sommes importantes qui ont tendance à dormir et non à financer l’économie réelle. « L’encours de l’assurance-vie est contrôlé, à 80%, par 10 bancassureurs. Souvent par facilité et parfois par manque d’expertise, ces établissements préfèrent orienter l’épargne de leurs clients vers le fonds en euros, fonds dont le capital est garanti, mais dont sa contribution au financement de l’économie est faible » poursuivent les auteurs, qui soulignent aussi le « faible rendement » pour les épargnants. « Or, l’assurance-vie étant non transférable, changer d’établissement financier ne peut se faire qu’au prix d’un préjudice fiscal important. »
La portabilité, proposée par le Sénat, devrait donc être maintenu dans le projet de loi final, selon eux. « Cet amendement offre les conditions de l’ouverture d’un bon débat sur le dossier. Si la concurrence est au service de l’économie française, c’est positif » expliquait ainsi le rapporteur de la commission spéciale au Sénat Jean-François Husson (LR).
Une possibilité qui n’a pas les faveurs du gouvernement, pour le moment. « La portabilité fait peser des risques excessifs sur l’économie, les assureurs et la fiscalité » expliquait Bruno Le Maire. « L’épargnant pourrait immédiatement changer d’établissement s’il trouvait mieux ailleurs ; ce zapping, qui pourrait être permanent, ferait drastiquement baisser la part d’actions qui sont, par excellence, des placements de long terme. » Le débat continue…
Si le gouvernement est toujours opposé à cette idée, force est de constater que le débat demeure animé. En témoignent les échanges qui ont eu lieu ce jeudi 21 février sur l’antenne de BFM Business dans l’émission Intégrale placements.
Ceci étant, faut-il parler de transfert et de transférabilité ? N’y a-t-il pas ici une sorte d’abus de langage ?
Aucun assuré n’emmènerait avec lui son contrat
Rappelons brièvement les enjeux. Les défenseurs du « transfert » souhaiteraient que le détenteur d’un contrat puisse changer d’assureur ou de contrat sans perdre les avantages fiscaux obtenus jusqu’alors. Mais cela ne signifie pas que l’assuré transférerait son contrat, c’est-à-dire qu’il partirait en emportant son contrat.
Les contrats sont en effet différents d’un établissement à l’autre (mode de fonctionnement, frais…). Concrètement, le transfert reviendrait à ouvrir un nouveau contrat puis à fermer l’ancien une fois les avoirs transférés, le tout dans le cadre d’une procédure définie à l’avance et garantissant la reprise de l’antériorité fiscale.
De la même manière, il serait difficile d’envisager un transfert au sens propre des supports logés dans le contrat. Les assureurs n’ont pas tous la même offre de produits (fonds en euros ou unités de compte). Ainsi, un assuré ne transférerait pas ses supports mais plutôt leur contre-valeur en euros en vue de souscrire de nouveaux supports chez l’assureur de destination.
La notion de « portabilité » plus adéquate
Au-delà des nombreuses questions techniques soulevées, l’usage des termes « transfert » et « transférabilité » paraît pour le moins inadapté. De fait, l’assuré n’emporterait pas son contrat avec lui et ne se retrouverait pas non plus avec un produit strictement identique à la sortie.
Mieux vaudrait à première vue parler de « portabilité » du contrat. D’ailleurs, c’est ce même terme qui est utilisé par le gouvernement pour promouvoir la réforme des produits d’épargne-retraite dans le cadre du projet de loi Pacte. Pour mémoire, l’exécutif souhaite toiletter ce segment de marché et permettre aux épargnants de conserver leurs outils d’épargne-retraite y compris en cas de changement de situation. Le fonctionnement d’un produit d’épargne-retraite étant assez proche de celui d’un contrat d’assurance-vie, l’usage du même vocabulaire n’apparaît donc pas insensé.
Notons enfin que les spécialistes du sujet que sont Jean-François Filliatre, fondateur de Marchés gagnants, et Jérome Dedeyan, associé-fondateur d’Eres, ont abondé dans ce sens lors de leur débat du 21 février sur l’antenne de BFM Business.
Face aux nombreux défis techniques que représente ce chantier, ce point de vocabulaire peut apparaître anecdotique, voire superflu. Rappelons simplement que l’emploi d’un terme inadapté peut être à terme source de confusion, voire d’incompréhension, en particulier lorsqu’il passe dans le langage courant. Les « frais de notaire » en sont un très bon exemple.