SCPI de bureaux : les investisseurs doivent-ils avoir peur du boom du télétravail ?

SCPI de bureaux : les investisseurs doivent-ils avoir peur du boom du télétravail ?

SCPI de bureaux : les investisseurs doivent-ils avoir peur du boom du télétravail ?

Généralisé en mars 2020 avec l’accélération de l’épidémie de Covid-19, le télétravail s’impose de nouveau à l’occasion du 2e confinement débuté le 30 octobre. Le travail à distance doit ainsi être mis en place dans les entreprises du secteur privé, comme dans la fonction publique, pour tous les postes “télétravaillables”, et pour une durée indéterminée. De quoi inquiéter les porteurs de parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) investies dans les bureaux, le spectre du télétravail planant comme une épée de Damoclès au-dessus d’un secteur qui représentait à fin 2019 pas moins de 62% de la capitalisation des SCPI de rendement, soit 40,7 milliards d’euros selon l’Institut de l’épargne foncière et immobilière (IEIF). La logique voudrait en effet qu’avec le télétravail, de nombreuses entreprises réduisent la taille de leurs locaux, voire s’en séparent, – avec la charge des loyers qui va avec -, les SCPI devant ainsi tirer un trait sur ces mêmes loyers. Autant de dividendes dont seraient alors privés les associés, avec un risque pour les porteurs de parts de voir leurs revenus plonger… Mais ce scénario est battu en brèche par les spécialistes de la pierre papier. Et pour plusieurs raisons.

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Une évolution dans la durée

Indéniablement, le télétravail se démocratise à marche forcée. Ce serait même une révolution à en croire les chiffres de l’enquête de l’Association nationale des DRH (ANDRH) de juin 2020 selon laquelle “85% (des entreprises, Ndlr) considèrent comme souhaitable le développement du télétravail de façon pérenne au sein de leur entreprise” alors qu’avant le confinement, “seules 8% des entreprises avaient développé le télétravail pour plus de 25% de leurs salariés”. De fait, la proportion de travailleurs à distance a grimpé à 27% pour les personnes en situation d’emploi (pas au chômage) pendant la période allant de mi-mars à mi-mai avant de retomber à 15% trois mois plus tard, selon une étude YouGov pour la plateforme Cardiosens publiée au mois d’août.

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Mais si le nouveau confinement imposé aux Français va de nouveau faire grimper ce pourcentage, difficile aujourd’hui de chiffrer l’ampleur de ce mouvement sur la durée. Car derrière un bénéfice évident, plusieurs éléments sont de nature à freiner la propagation du télétravail. “Avec une lecture primaire, le télétravail est parfait pour l’employeur, avec des économies sur les charges de loyer, et pour le salarié, qui réduit son temps de trajet”, analyse Jean-Christophe Antoine, président de la société de gestion Atland Voisin. Mais le dirigeant pointe également les nombreuses incertitudes quant à la mise en place du travail à distance d’un point de vue juridique : “Le patronat est favorable au télétravail mais les négociations s’annoncent ardues avec les syndicats, qui y sont opposés sauf s’il se fait sur la base du volontariat.” Christophe Descohand, directeur général de Moniwan, plateforme d’épargne en ligne du groupe La Française, estime également que “les comités d’entreprise vont demander une compensation financière, ce qui va rendre le télétravail beaucoup moins attractif économiquement”. Les partenaires sociaux ont d’ailleurs engagé des discussions en vue d’un accord national interprofessionnel (ANI) sur le télétravail le 3 novembre, des négociations qui devraient s’étaler sur plusieurs semaines et porter notamment sur le remboursement des frais ainsi que la charge de travail. Le risque d’une “confusion entre vies professionnelle et privée” n’est pas en effet anodin selon Jean-Christophe Antoine. Un danger parmi d’autres pour le spécialiste qui note aussi que les salariés sont confrontés à une inégalité face au logement, certains ne disposant pas de conditions correctes pour travailler chez eux, la mixité sociale sur le lieu de travail étant quant à elle rangée au placard. Enfin, le manque d’interactions et son impact sur la productivité pourrait freiner les ardeurs des salariés, comme des employeurs.

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Une adaptation nécessaire des locaux

Un développement massif du télétravail est donc tout sauf certain pour le moment. Et s’il doit se produire, cela ne sera pas immédiat. Selon Guy Marty, économiste et fondateur du site pierrepapier.fr, “le télétravail est une évolution sociétale, qui prendra donc du temps”. Un temps que les SCPI peuvent mettre à profit pour faire preuve d’adaptabilité, qualité propre à la pierre papier selon l’ancien président de l’IEIF : “C’est la 6e crise immobilière du secteur et la SCPI de bureaux va la traverser aussi”, assure-t-il.

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Pour Christophe Descohand, les SCPI n’ont pas attendu la crise pour anticiper les changements à venir. Et si les demandes d’adaptation des actifs de la part des entreprises se sont accélérées avec la Covid selon lui, ces dernières ne se bousculent pas pour diminuer la taille de leurs locaux : “Elles ne veulent pas libérer de la place mais demandent des endroits plus conviviaux”, avance-t-il. “Les entreprises qui mettent en place un télétravail classique, avec un ou deux jours par semaine, ne peuvent pas baisser leur surface”, abonde Jean-Marc Peter, directeur général de Sofidy, qui s’attend à une évolution vers “moins d’open space et plus d’espaces communs”. Jean-Christophe Antoine estime quant à lui que “le modèle de l’immeuble de 60.000 m2 sans mixité d’usage est mort et que les bureaux vont s’adapter vers des formats plus petits et plus divers”.

Des loyers sécurisés

Mais que va-t-il se passer pour les entreprises qui veulent généraliser le télétravail pour leurs collaborateurs dans les grandes largeurs ? “Le télétravail généralisé, avec entre 3 et 4 jours à domicile, est le seul qui permette aux entreprises de faire des économies”, détaille Jean-Marc Peter. Dans ces conditions, pourquoi ne se laisseraient-elles pas tenter ? Un élément de poids les en empêche tout simplement : le bail qu’elles ont signé avec leur propriétaire. “Les 40 plus gros locataires du patrimoine de notre SCPI Epargne Pierre ont une durée ferme résiduelle de 7 ans”, assure Jean-Christophe Antoine. Une durée variable selon les différentes sociétés de gestion, mais qui leur permet de voir venir. Aucun risque donc de voir les entreprises claquer la porte des immeubles de bureaux dans l’immédiat, les SCPI ayant sécurisé leurs flux pour de longues années. Pas d’inquiétude, donc, à court terme pour les immeubles de bureaux déjà occupés.

Mais pour les SCPI qui gèrent des immeubles en partie inoccupés, des solutions se mettent en place pour atténuer le choc. Car choc il y aura, avec des baux futurs en baisse, comme l’illustre Jean-Marc Peter : “Aujourd’hui, le loyer à la Défense a plutôt tendance à être à la baisse pour les bureaux vacants. Mais il vaut mieux avoir des bureaux occupés que vides”, souligne-t-il. Face à des diminutions de loyers inéluctables sur ces biens, les SCPI ne manquent pas d’idées pour limiter la vacance locative… et la baisse de revenus associée. Une des solutions dont elles disposent consiste à faire signer à leurs locataires des baux de courte durée, “des contrats dérogatoires de 12 ou 24 mois, mais avec un coût plus élevé”, détaille Jean-Christophe Antoine. Des contrats de nature à convaincre les entreprises de louer, car moins engageants que les baux commerciaux classiques (3/6/9 ans). Pour sécuriser leurs loyers, les SCPI peuvent également opter pour la création de tiers lieux, des locaux communs à plusieurs entreprises au sein d’un même immeuble avec plusieurs services à la clé (cafétérias, salles de sport…), sur le modèle du coworking. Dernier levier à activer enfin pour éviter la vacance, celui de la baisse de prix proposée à un locataire déjà en place : “Si vous avez un loyer modéré, un locataire va rester s’il ne gagne pas d’argent en déménageant”, assure Jean-Christophe Antoine.

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A plus long terme, les immeubles de bureaux les moins rentables ne survivront pas à la démocratisation du télétravail. Mais là encore, les experts interrogés se veulent rassurants. C’est ainsi que Guy Marty imagine aisément que certains immeubles de bureaux délaissés à l’avenir, en 2e ou 3e couronne de grandes villes, “pourraient être transformés en bâtiment de logistique ou en immeubles résidentiels”. Ces locaux pas assez bien placés, et parfois obsolètes, retrouveraient alors des locataires et une seconde vie, pour le plus grand bien des associés qui continueraient de toucher leurs dividendes sur ces actifs.

Plus que le télétravail, le spectre de la crise

Conséquence de la crise, la rentabilité des SCPI de bureaux a reculé, sans pour autant plonger. La moyenne du taux de distribution sur valeur de marché (TDVM) servi aux associés de ces SCPI au 3e trimestre, de 3,70% selon France SCPI, contre 4,28% en moyenne en 2019, plaide pour un impact limité de la crise, et ce malgré les gestes d’accompagnement accordés par de nombreuses sociétés de gestion à leurs locataires en difficulté aux deuxième et troisième trimestres.

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Mais il serait toutefois trompeur de s’arrêter à ce seul constat : de nouvelles négociations entre SCPI et locataires ne sont pas à exclure suite au 2e confinement et les entreprises ayant péniblement survécu à la première vague pourraient se faire emporter par la deuxième en début d’année 2021. Un scénario redouté par Paul Bourdois, cofondateur de la plateforme France SCPI, pour qui “de nombreuses faillites sont à craindre au 1er trimestre”. Et c’est probablement dans les entreprises qui ont généralisé le télétravail qu’il faut chercher les structures sur la sellette. “Le télétravail généralisé n’est-il pas une antichambre du licenciement ?”, s’interroge Jean-Marc Peter. “Le bureau a toujours souffert pendant les crises économiques. On sait qu’il va y avoir du chômage et qu’au mieux on retrouvera notre niveau de PIB en 2023”, poursuit Guy Marty. L’expert se rappelle “qu’après l’éclatement de la bulle Internet en 2000 et les attentats de 2001, les loyers étaient repartis en 2004”. En suivant un scénario similaire, 2021 et 2022 pourraient être des crus compliqués, l’offre de bureaux excédant la demande sur cette période, avant que les immeubles ne se remplissent de nouveau avec le retour à une activité normale.

Quels choix pour l’investisseur ?

Que faire dans ces conditions pour l’associé déjà investi ? “La SCPI est un placement de long terme, avec des hauts et des bas”, glisse sereinement Guy Marty, pour qui si vous êtes déjà investi dans une SCPI de bureaux, le mieux est donc de ne rien faire. Si vous souhaitez vous lancer sur ce secteur malgré les risques, pourquoi ne pas opter pour un achat en démembrement ? Alors que les loyers versés pendant les prochaines années par les SCPI devraient se contracter, l’achat en démembrement semble tout indiqué : son mécanisme même impose de ne pas toucher les dividendes pendant plusieurs années en échange d’une décote du prix de la part. Or, les ristournes sur les prix de parts n’ont pas été diminuées, malgré la baisse affichée des revenus en 2020 et plus que probable en 2021. L’opération paraît donc plus que jamais intéressante. “Avec les taux de crédit très bas, l’achat à crédit n’est pas idiot non plus”, sourit Guy Marty, qui n’écarte pas pour autant la possibilité de “choisir aussi une SCPI dans un secteur un peu moins fluctuant”, comme la logistique, la santé ou le résidentiel, qui ont affiché leur résilience pendant le 1er confinement et les mois qui ont suivi.

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Source Capital.fr

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