Aide à domicile : les professionnels peinent à répondre à toutes les demandes

Aide à domicile : les professionnels peinent à répondre à toutes les demandes

Aide à domicile : les professionnels peinent à répondre à toutes les demandes

Un communiqué alarmant en plein cœur de la saison estivale. Trois fédérations du secteur associatif de l’aide à domicile (Adédom, FNAAFP/CSF et Una) annoncent que cet été risque d’être dramatique. “Pénuries de personnels, difficultés financières, épuisement professionnel… le secteur est arrivé à la rupture”, écrivent-elles. Selon ces professionnels, certaines prestations ne pourront pas être honorées ce qui peut laisser un bon nombre de personnes âgées, ainsi que leurs proches, dans des situations de grandes difficultés.

Le constat est loin d’être exagéré. Sur le terrain, les directeurs de structures ont des sueurs froides. “Il y a deux ou trois ans, on se débrouillait toujours, on ne disait jamais non à une demande, se remémore Coralie Costes, responsable d’entité à Una (Union nationale d’aide, des soins et des services aux domiciles) Casteljaloux dans le Lot-et-Garonne. Maintenant, dès qu’on a un appel, on se dit : si c’est pour la toilette, on est mal”. Pendant que les politiques parlent sans cesse du virage domiciliaire, rappelant que le souhait de la majorité des Français est de vieillir chez soi, les responsables de structures doivent jongler pour assurer les demandes vitales des personnes âgées en perte d’autonomie.

Alors ils trient les demandes. Passent bien sûr en priorité les personnes qui ne peuvent pas assurer seules les actes de la vie quotidienne comme se lever, manger, se laver, faire ses courses. “Si un jour je n’ai personne pour aller faire les courses d’un de nos bénéficiaires et que je sais qu’il faut impérativement y aller, j’irai moi-même”, prévient Sylvie Barthel, responsable de Bourgogne services à la personne et référent de la fédération du service aux particuliers (Fesp) qui regroupe des entreprises privées commerciales du secteur.

Rogner sur des heures

Pour ce qui paraît moins indispensable, comme l’entretien du logement, les entreprises rognent de plus en plus sur les heures. “Au lieu de venir deux heures par semaine comme on n’a pas le temps matériellement et humainement, on n’intervient plus qu’une heure trente, relate Sylvie Barthel. Quand il s’agit d’entretenir un logement qui est suivi régulièrement, il n’y a pas péril en la demeure. Mais ces deux heures permettent aussi d’entretenir le lien social”. Et en période de fortes chaleurs, en venant moins, les aides à domicile ne peuvent pas jouer leur rôle de vigie. “Cela nuit au maintien à domicile car les professionnelles ne peuvent plus rappeler les précautions à prendre comme ne pas oublier de boire”, regrette Coralie Costes.


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C’est aussi le système D lorsque les structures, et c’est de plus en plus courant, ne peuvent pas répondre aux nouvelles demandes. Elles font alors appel aux autres services d’aide à domicile, même s’ils sont concurrents, pour réussir à répondre entièrement aux besoins. “Entre directeurs de structures on se partage des plans d’aide. Si certains n’arrivent pas à l’honorer complètement, on appelle une autre structure, explique Edwin Berlucchi, directeur fédération de l’UNA pour le département du Lot-et-Garonne. On essaye de compléter un plan d’aide pour intervenir de manière intelligente”.

Il y a aussi ces nouvelles demandes qui n’en sont pas vraiment. Des bénéficiaires qui ont été hospitalisés et qui, de retour chez eux, appellent la structure qui les accompagnait pour qu’elle reprenne son activité. C’est alors la douche froide. “On ne peut pas les reprendre, s’étrangle Catherine Brugière, directrice de la structure Amad du Pays Mornantais dans le Rhône. Pour eux c’est dramatique et difficile à comprendre. Nous sommes en train d’abandonner des gens qui ont réellement besoin de nous”, se désespère-t-elle.

Combien de temps, l’élastique va-t-il encore tenir avant de craquer définitivement ? “Jusqu’à présent on arrive à tenir le choc, tente de rassurer Sylvie Barthel. Mais c’est en tirant sur la corde avec nos salariés”. C’est aussi en s’appuyant sur les proches que le maintien à domicile reste possible. Ils n’ont pas d’autres choix que d’intervenir lorsqu’aucun professionnel ne peut le faire. “Le week-end et le soir, par manque d’intervenants, ce sont parfois les familles qui doivent prendre le relais, regrette Catherine Brugière. On déplace le problème sur les familles mais jusqu’où c’est tenable”, s’inquiète-t-elle.

Un manque de main-d’œuvre criant

Dans les prochaines années, avec le vieillissement de la population, la demande d’aide à domicile ne cessera pas de croître. La courbe suit le chemin contraire pour les professionnels du secteur. “Nous comptons près de 1.000 salariés, mais il en faudrait entre 40 et 50 supplémentaires”, illustre Edwin Berlucchi. Les candidats ne se bousculent pas au portillon. “Avec Pôle emploi au Creusot, nous avons tenté un barbecue recrutement, raconte Sylvie Barthel. Nous étions une dizaine d’employeurs, près de 1.200 SMS d’invitation ont été envoyés et nous avons vu 10 personnes”, regrette-t-elle. Et alors qu’il y a quelques années, les gens poussaient sa porte pour déposer une candidature spontanée, aujourd’hui, plus personne ne franchit le seuil. “Il y a trois ans en arrière, tous les mois je recevais des CV, se rappelle Catherine Brugière. Maintenant je n’en ai plus. Je n’ai jamais vu cela de ma carrière”.

Le chantier est important pour redorer l’image d’un secteur qui souffre depuis des années. Au cœur des travaux à mener : la rémunération. Si des efforts ont été accomplis, notamment avec l’avenant 43 dans le secteur associatif qui a permis de revaloriser les rémunérations de près de 10 à 15%, c’est encore loin d’être suffisant. D’autant qu’avec l’augmentation du Smic, de nombreuses aides à domicile voient de nouveau leurs rémunérations passer en dessous.


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Si la question de la rémunération est un point crucial, ce n’est pas le seul. Tous les acteurs s’accordent pour dire qu’il s’agit de métiers qui ont toujours été dévalorisés, que les aides à domicile sont considérées comme des femmes de ménages, alors que leur mission va bien au-delà de l’entretien du logement. “On dit qu’il faut que les gens restent le plus longtemps à domicile, mais le problème c’est que l’on ne met pas les moyens derrière”, dénonce Coralie Costes.

Dans ce contexte inédit, les fédérations appellent à la mobilisation des pouvoirs publics pour prendre des mesures en faveur du secteur du domicile. “Sans plus attendre, le gouvernement doit mettre à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale une réforme en profondeur du système dans le cadre d’une loi Autonomie ambitieuse et dotée de moyens financiers à la hauteur des besoins pour que cette situation inédite ne se reproduise pas chaque année”, préconisent les acteurs du secteur. Et éviter que de nouveau, l’été prochain ou même avant, le secteur ne se retrouve au bord du gouffre.

Source Capital.fr

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