La retraite des pharmaciens, ou comment “une part de capitalisation collective sécurise le niveau des pensions”

La retraite des pharmaciens, ou comment “une part de capitalisation collective sécurise le niveau des pensions”

La retraite des pharmaciens, ou comment “une part de capitalisation collective sécurise le niveau des pensions”

Capital : Comment fonctionne le régime des pharmaciens ?

Philippe Berthelot : Nous avons un régime de base commun à l’ensemble des professions libérales, c’est le premier étage de la fusée. Au-dessus, tous les libéraux ont un régime complémentaire géré de façon autonome par leur caisse de retraite professionnelle. Le régime complémentaire des pharmaciens est ainsi géré par la CAVP (caisse d’assurance vieillesse des pharmaciens, ndlr). C’est juridiquement un seul régime, mais il se compose de deux parties : une première en répartition et une deuxième en capitalisation.

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Capital : Quelle est la situation du régime par répartition ?

Philippe Berthelot : C’est un régime fragile, car la démographie des pharmaciens ne progresse pas. Il est en déficit technique avec près de 29.000 cotisants pour 31.000 allocataires en tenant compte des allocataires de droits dérivés (comme la réversion, ndlr). On peut penser que ce régime de répartition va rester structurellement déficitaire dans les années qui viennent, car le nombre de pharmaciens n’augmente pas, notre profession étant encadrée par un numerus clausus.

Capital : C’est pour cette raison qu’un régime par capitalisation a été mis en place ?

Philippe Berthelot : Oui, notre régime de capitalisation a été créé en 1962, car les pharmaciens anticipaient déjà l’évolution démographique de la profession. L’intérêt d’un régime de capitalisation – qui pour les pharmaciens est un régime obligatoire, il s’agit donc d’une capitalisation collective – est de s’affranchir presque totalement de la démographie. Dans un régime par répartition, les cotisations que vous versez servent directement à payer les retraites. Avec la capitalisation, vous constituez pendant 30 ou 40 ans un capital qui est placé, et qui vous est restitué individuellement sous la forme d’une rente viagère le moment venu. L’argent ne sert pas à payer les pensions des pharmaciens déjà en retraite.


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Capital : Sans cette dose de capitalisation, le régime n’aurait pas pu tenir financièrement ?

Philippe Berthelot : Il est certain que si nous étions restés dans le tout répartition, nous aurions été obligés d’avoir des cotisations beaucoup plus fortes et surtout nous aurions eu un taux de remplacement (rapport entre la pension liquidée et le dernier revenu d’activité, ndlr) plus faible qu’aujourd’hui. Dans notre régime de répartition, nous sommes déjà obligés de demander plus aux actifs que ce que l’on attribue en moyenne aux retraités. Cette année, la cotisation du régime complémentaire par répartition a augmenté de 6% alors que la revalorisation des pensions a été de 4,6%. Cet effort demandé est indispensable pour continuer à garantir le paiement des pensions quoi qu’il arrive, car nous n’avons pas le droit de recourir à la dette. Nos réserves en répartition s’élèvent aujourd’hui à 1,4 milliard d’euros.

Capital : Comment s’organise le régime par capitalisation ?

Philippe Berthelot : Alors que dans le régime en répartition, la cotisation est forfaitaire (6.530 euros en 2023, ndlr), dans le régime de capitalisation, il existe 11 classes de cotisation en fonction des revenus. La cotisation moyenne s’élève à 6% du revenu des pharmaciens et la capitalisation représente aujourd’hui près de la moitié de la pension d’un pharmacien.

Capital : Comment décidez-vous des allocations d’actifs pour ce régime ?

Philippe Berthelot : Comme pour la répartition, les décisions sont prises par le conseil d’administration composé de pharmaciens, actifs et retraités, élus par leurs pairs. Tous les trois ans, nous fixons en fonction des caractéristiques du “passif” du régime (pensions à servir, ndlr), de modèles mathématiques, d’hypothèses de rendement et de risque par classes d’actifs et de stress tests, la répartition optimale des actifs. Aujourd’hui, c’est 65% d’obligations, 17% d’actions, 13% d’immobilier et 5% de produits monétaires. Au 31 décembre 2022, le régime de capitalisation des pharmaciens détenait près de 7 milliards d’euros investis sur les marchés financiers et immobiliers. Ces capitaux sont gérés par des professionnels des marchés. Toutes les 5 semaines, les administrateurs se réunissent avec la direction financière de la caisse pour valider ou non les choix qu’elle propose. Cette année, nous avons distribué 3,5% (de rendement, ndlr) en capitalisation. Le capital des pharmaciens est revalorisé durant toute leur carrière professionnelle, ce qui permet au régime d’offrir une performance supérieure à celle du régime de répartition.


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Capital : Le modèle de retraite des pharmaciens pourrait-il être développé à plus grande échelle ?

Philippe Berthelot : La CAVP est un petit laboratoire de ce que pourrait donner un système mixte de répartition et de capitalisation, car nous avons les mêmes problématiques démographiques qu’au niveau national. La répartition seule ne peut pas faire face au choc démographique. Nous, pharmaciens, avons une expérience de 60 ans qui montre qu’une part de capitalisation collective et obligatoire associée à de la répartition permet de sécuriser le niveau des pensions indépendamment de la démographie.

Capital : Est-ce que ce système éviterait de relever l’âge de départ à la retraite ?

Philippe Berthelot : Un régime de capitalisation vous permet de prendre votre retraite à l’âge que vous voulez, car vous disposez d’un capital. Mais, dans la mesure où nous allions répartition et capitalisation, nous devons encadrer l’âge de départ pour éviter que les gens ne partent trop tôt.

Capital : Malgré votre exemple, la capitalisation continue de faire peur…

Philippe Berthelot : Ce terme de capitalisation, parfois mal perçu, sera accepté par le grand public à partir du moment où l’on parviendra à concilier les intérêts individuels et collectifs. Au-delà du financement des retraites, un régime de capitalisation collective pourrait servir des causes comme celle de la transition écologique. La constitution de fonds de pension permettrait de drainer les capitaux nécessaires au financement des transitions. Il faut que la capitalisation soit collective et non individuelle comme aujourd’hui, afin que tous les actifs puissent en profiter.

Source Capital.fr

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